Analyser un texte

Analyser un texte[1]

 Analyser un texte signifie le décomposer pour en reproduire les éléments essentiels et en dégager la structure d’ensemble.

[1] Cette activité est inspirée du livre suivant : Dionne, B. (2013). Pour réussir. Guide méthodologique pour les études et la recherche en sciences humaines (6e éd.). Montréal, Québec : Chenelière Éducation.

 

Caractéristiques
  • L’analyse d’un texte demande de reconnaître les principales intentions de l’auteur, c’est-à-dire ce qu’il veut démontrer dans son texte. Cela demande d’identifier clairement l’idée centrale du texte (certains parleront de la thèse de l’auteur), de même que les idées secondaires.
  • Elle suppose qu’on puisse dégager la logique de l’argumentation utilisée par l’auteur c’est-à-dire présenter comment il s’y est pris pour appuyer sa thèse.
  • Elle présente les procédés (au niveau du style, de la démonstration, etc.) utilisés par l’auteur pour démontrer ses idées.
  • Elle demande de préciser en quoi l’apport de l’auteur est important par rapport au sujet dont il traite dans son texte.
  • Elle situe le texte dans le contexte (culturel, social, politique, etc.) dans lequel il a été écrit.
  • Elle propose d’interpréter le texte, c’est-à-dire de dégager le sens des thèmes abordés par l’auteur (son langage personnel, sa théorie, etc.).

 

Marche à suivre
  • Présenter brièvement l’auteur et le sujet
    • Repérer la date de publication.
    • s’informer sur l’auteur, sa formation, ses publications, ses activités scientifiques, le courant dans lequel ses travaux se situent, son importance historique ou sociale, etc.
    • Présenter le sujet du texte.
  • Résumer le texte
    • Survoler le titre, les sous-titres ainsi que l’introduction et la conclusion.
    • Répondre aux questions suivantes : quel est le sujet de ce texte? Que veut démontrer l’auteur?
    • Déterminer l’idée centrale (la thèse).
    • Déterminer l’idée principale de chacune des parties du texte et, au besoin, les idées secondaires.
    • Présenter l’enchaînement des idées.
    • Chercher le sens des mots inconnus à l’aide d’un dictionnaire.
    • Rédiger le résumé.
  • Interpréter le texte
    • Déterminer le principal objectif de l’auteur, c’est-à-dire le message principal qu’il veut transmettre.
    • Expliquer comment l’auteur s’y est pris pour transmettre son message en précisant les types d’arguments (faits, statistiques, opinions) auxquels il a recours.
    • Souligner le principal intérêt de ce texte.
    • Replacer le texte dans le contexte dans lequel il a été écrit.
    • Comparer le texte à d’autres qui portent sur le même sujet.
  • Dégager une conclusion générale à partir de cette analyse si cela est possible.
Exemples

Premier exemple

Texte analysé : Bourgault-Côté, G. (5 décembre 2007).  Recul historique du français au Québec. Le Devoir, p. A1.

Présenter brièvement l’auteur

La situation du français au Québec, voilà le sujet de l’article de Guillaume Bourgault-Côté qui sera analysé ici. L’auteur est journaliste au journal Le Devoir, un quotidien montréalais et il s’intéresse de près à la question linguistique. Dans ce texte, il commente les résultats des données du recensement canadien de 2006.

Résumer le texte

L’auteur présente plusieurs données. Il remarque d’abord que la proportion de personnes parlant français à la maison n’a jamais été aussi faible : au Québec, cette proportion est de 81,8 %; à Montréal, la situation est pire : moins de 54 % des gens parlent français à la maison. Même chose du côté de la langue maternelle : le pourcentage de personnes ayant le français comme langue maternelle est passé sous la barre des 80 % au Québec et représente moins de 50 % à Montréal. La cause du recul est, elle aussi, clairement identifiée : l’arrivée d’immigrants dont la langue maternelle n’est pas le français. L’immigration a connu une forte hausse et les immigrants représentent 13,5 % de la population du Québec, un record. Les immigrants vivent majoritairement dans la région de Montréal et ils sont surtout allophones.

Interpréter le texte

Déterminer le principal objectif de l’auteur, c’est-à-dire le message principal qu’il veut transmettre

La situation du français à Montréal est préoccupante puisque de moins en moins de Québécois parlent cette langue à la maison cela serait dû à l’augmentation de l’immigration.

Expliquer comment l’auteur s’y est pris pour transmettre son message en précisant les types d’arguments (faits, statistiques, opinions) auxquels il a recours

L’argumentation de l’auteur est fondée sur des données de Statistique Canada, des données de recensement plus précisément, les données les plus fiables.  En sciences humaines, la prudence est de rigueur lorsque ce type de données est interprété. Ici, cependant, ce n’est pas la prudence qui guide l’auteur. Le ton est affirmatif, alarmiste même : il est question de « recul historique », de « record »; l’auteur estime que « le français perd des plumes », et que « l’augmentation du nombre d’immigrants est spectaculaire ».

Souligner le principal intérêt de ce texte

Cette question est cruciale puisque certains Québécois estiment que la survie du Québec comme société distincte est directement liée à la survie du français. L’article du journal Le Devoir sonne l’alarme et présente un enjeu important.

Replacer le texte dans le contexte dans lequel il a été écrit

Il ne faut pas oublier que ces données arrivent dans un contexte bien particulier, soit seulement à la fin des audiences de la commission Bouchard-Taylor. Les Québécois de tous les horizons y ont discuté d’identité, ils ont exprimé leurs espoirs et leurs craintes, dans une sorte de thérapie collective avec, en arrière-plan, une conscience aiguë de la fragilité de la culture québécoise et des défis qui l’attendent, comme celui de l’intégration des immigrants.

Comparer le texte à d’autres qui portent sur le même sujet

Là où ça devient intéressant, c’est quand on compare la position du journaliste du journal Le Devoir à celle de l’éditorialiste André Pratte, du quotidien La Presse. André Pratte a signé deux articles sur le même sujet, intitulés « Quel recul? » (5 décembre 2007) et « Le français progresse » (7 décembre 2007). Comme contradiction, il est difficile de faire mieux. Les deux auteurs auraient-ils reçu des chiffres différents? Non, évidemment. Mais ils ont choisi de dévoiler des statistiques différentes ou d’interpréter différemment certaines données. Ainsi, André Pratte insiste sur le fait que 75 % des immigrants des cinq dernières années adoptent le français. D’où le titre « Le français progresse ». En s’attardant plutôt à la langue maternelle ou en choisissant une période plus longue, le journaliste du quotidien Le Devoir arrive à la conclusion inverse.

Conclusion

Une chose est certaine : la prudence est de rigueur. Nous pouvons néanmoins nous demander pourquoi ces deux quotidiens présentent des interprétations aussi divergentes. Nous pourrions chercher la réponse dans les orientations idéologiques de ces publications. Dans un cas, celui du Devoir, un quotidien traditionnellement nationaliste, on semble trouver important de sonner l’alarme et d’attirer l’attention des lecteurs sur les indices de fragilité du français; dans le cas de La Presse, un quotidien dont les sympathies fédéralistes sont connues, on semble plutôt vouloir rassurer, montrer que le Québec multiculturel, au sein du Canada, est viable. Pour les spécialistes des sciences humaines, le défi est de garder une distance critique par rapport à un enjeu comme celui du français, un enjeu crucial qui soulève les passions, même chez des journalistes chevronnés.

Deuxième exemple

Texte analysé : Nadeau, J. (3 mai 2018). Diplomation : la comparaison avec l’Ontario ne tient pas la route, dit le ministre de l’Éducation. Le Devoir, p. A3.

Présenter brièvement l’auteur et le sujet

Jessica Nadeau est journaliste au journal Le Devoir depuis 2012. Elle s’intéresse particulièrement aux dossiers qui touchent le domaine de l’éducation. Elle présente ici un article qui fait suite à la publication d’un rapport de l’Institut du Québec, un groupe de recherche qui a été mis sur pied par le Conference Board et le HEC Montréal.

Résumer le texte

Suite à la publication cette semaine d’une étude où l’on apprend que le Québec est le dernier dans tout le Canada en matière de diplomation au secondaire dans les délais prescrits, plusieurs politiciens ont émis des commentaires ou fait des hypothèses pour expliquer le phénomène. L’article de Jessica Nadeau porte plus spécifiquement sur la comparaison qui a été établie avec la situation ontarienne et qui a été décriée par le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Selon le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, il faut tenir compte d’un fait important : la note de passage en Ontario est de 50% alors qu’elle est de 60% au Québec. Il croit aussi que le gouvernement a fait des investissements importants récemment et que ceux-ci devraient donner des résultats d’ici quelques années. Les partis de l’opposition ont fait valoir qu’il est temps que le gouvernement libéral accepte sa défaite dans ce dossier. La situation est grave pour plusieurs. Gabriel Nadeau-Dubois utilise le mot crise en mettant l’accent sur l’épuisement des intervenants de ce milieu. Le ministre Proulx va même jusqu’à dire que les Québécois ne valorisent pas l’éducation et qu’ils font souvent preuve de décrochage parental.

Interpréter le texte

Déterminer le principal objectif de l’auteur, c’est-à-dire le message principal qu’il veut transmettre

L’objectif de l’auteur est de démontrer que les différents partis à l’Assemblée nationale ne s’entendent pas sur les causes possibles du faible taux de diplomation au Québec, ni sur les causes du décrochage plus marqué des garçons.

Expliquer comment l’auteur s’y est pris pour transmettre son message en précisant les types d’arguments (faits, statistiques, opinions) auxquels il a recours

L’auteur dans son article a utilisé des extraits de plusieurs discours de politiciens faits au cours des derniers jours afin de faire ressortir le gouffre entre le point de vue du gouvernement libéral actuel et ceux de la Coalition Avenir Québec, du Parti québécois et de Québec solidaire.

Souligner le principal intérêt de ce texte

Il faut souligner que la question du faible taux de diplomation et celle du décrochage au Québec qui touche particulièrement les garçons sont d’un intérêt crucial. Quels facteurs peuvent expliquer ce phénomène? Une question de différences culturelle des Québécois? Ne devrions-nous pas tenir compte d’autres facteurs?

Replacer le texte dans le contexte dans lequel il a été écrit

Ce rapport publié cette semaine paraît à un bien mauvais moment soit à quelques mois des élections provinciales et après des coupes marquées dans le domaine de l’éducation. Il n’est pas surprenant que les partis de l’opposition aient sauté sur l’occasion pour accuser le gouvernement d’avoir mal géré tout le dossier de l’éducation.

Comparer le texte à d’autres qui portent sur le même sujet

La publication du rapport de l’Institut du Québec a fait couler beaucoup d’encre cette semaine. D’autres journalistes ont aussi présenté leur point de vue. C’est le cas de Brigitte Breton, éditorialiste au journal La Tribune de Sherbrooke (De cancre à premier de classe, 3 mai 2018, en ligne). Elle souligne quelques particularités de la société québécoise : une proportion de 20% des jeunes qui vont à l’école privée de même que la présence marquée de programmes particuliers au public qui contribueraient à faire du système scolaire un des plus inégalitaires au Canada.  Elle met aussi l’accent sur le fait que les professeurs ontariens sont beaucoup plus soutenus par des spécialistes. Ce sont d’autres voies à explorer pour mieux comprendre la situation.

Conclusion

Le faible taux de diplomation et le décrochage scolaire font souvent la une des journaux. Néanmoins, on doit admettre que ces sujets retiennent peu l’attention des gouvernements et qu’ils n’ont jamais été au cœur des campagnes électorales de la province. Pourtant, il s’agit d’un problème sérieux. Il faudra bien un jour qu’on s’y attaque de front et qu’on investisse les sommes nécessaires pour mieux comprendre les causes de ce phénomène.

 

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